L’armée birmane a lancé le mois dernier sa plus vaste offensive militaire depuis des années. Brûlant champs et maisons, contraignant des millions de personnes à fuir, les militaires cherchent à déloger les Karen des montagnes où ils vivent. La raison de cet acharnement est la construction de la nouvelle capitale de la Birmanie, toujours en chantier, située à quelques centaines de kilomètres du pays karen.
Par conséquent, un grand nombre de réfugiés ont essayé de traverser la frontière thaïlandaise, malgré les mines que les militaires y ont posé pour empêcher les civils de s’enfuir. En quatre mois, près de 1 800 membres de l’ethnie Karen se sont réfugiés en Thaïlande. Ce pays accueille aujourd’hui plus de 120 000 réfugiés politiques birmans, et les experts craignent que leur nombre atteigne le demi-million en peu de temps.
Si le nom d’Aung San Suu Kyi est régulièrement évoqué pour illustrer l’opposition au régime militaire de Rangoon, on oublie généralement de signaler le combat que mène le peuple Karen dans l’Est de la Birmanie. Le monde a découvert leur tragédie en 1988, lorsque les Birmans se sont révoltés contre la junte militaire du général Ne Win, qui dirigeait le pays d’une main de fer depuis 1962. A l’issue de la bataille «de la colline du chien dormant» qui a coûté la vie à 3 000 combattants, les Karen sont entrés dans l’histoire de la Birmanie moderne. Mais à quel prix ! Pourchassés par l’armée birmane, bien entraînée et bien équipée, ce peuple, qui a sa propre histoire, a été soumis depuis à un véritable nettoyage ethnique.
On ne sait plus combien ils sont. Dans les années 40, un recensement avait établi qu’ils étaient 5 millions. Actuellement ils sont moins nombreux car depuis un demi siècle ils résistent et les affrontements avec l’armée birmane ont décimé leurs rangs. De toutes les guérillas combattantes de la Birmanie, ce sont les plus tenaces et les moins disposés au compromis. Grâce à une rigueur morale sans égale dans l’histoire des guérillas, les Karen ont évité les tentations classiques qui menacent les groupes rebelles notamment le terrorisme et l’opium.
Aujourd’hui, environ un million de Karen vivent le long de la frontière thaïlandaise. La moitié d’entre eux sont des réfugiés venant de l’intérieur. Mais ils doivent aussi fuir continuellement car leurs villages sont régulièrement brûlés par l’armée birmane. Des mines sont posées sur leurs champs de riz et on les abats comme des lapins.
L’offensive actuelle est si meurtrière que l’Union nationale Karen a appelé à un cessez-le-feu. Le Haut commissariat pour les réfugiés des Nations Unies a également lancé un appel pour que l’offensive militaire cesse. Enfin, l’organisation de défense des droits de l’Homme Human Rights Watch, a demandé aux Nations Unies de protéger les minorités ethniques birmanes. Tous craignent que le peuple Karen soit menacé d’extermination.
par Any Bourrier